Au sein de l’école Alexandre-Dumas, trente enfants sont aujourd'hui formés à la médiation par les pairs, une solution de gestion des conflits relationnels par les élèves et entre élèves, encadrés par l’équipe éducative, formée elle aussi. Mais comment cela fonctionne-t-il concrètement ? Nous avons donné la parole aux principaux intéressés.

Réunis à la bibliothèque de l’école, cinq médiateurs ont accepté de nous décrire leur engagement au sein de l’établissement. Adyan, Élisabeth, Inès, Maxence et Alice sont en CM1 ou CM2, formés à la médiation au cours d’une session de 18 heures, en même temps que les adultes. À Alexandre-Dumas, ils sont une trentaine de médiateurs aujourd’hui, accompagnés par le directeur et la responsable de la bibliothèque (lire leur témoignage plus loin)
À la première question « Qu’est-ce que la médiation par les pairs ? », les réponses des élèves fusent : « On aide les petits et les grands à mieux se comporter », explique Adyan. « On aide à régler les conflits », ajoute Élisabeth. « On aide les autres enfants à se parler, à trouver eux-mêmes une solution », complète Inès. « La médiation apprend à bien régler un conflit, même en dehors de l’école », témoigne aussi Maxence. « On montre aux autres comment se parler sans violence, sans se mettre en colère », termine Alice. 

Favoriser le dialogue 

Chacun a endossé ce nouveau rôle avec sérieux, avec « l’envie d’être utile ». Les règles sont connues de tous : aider leurs camarades à se parler en cas de petits conflits du quotidien « mais pas s’il y a des coups », favoriser le dialogue en allant par exemple dans la pièce réservée à la médiation, au calme et à l’abri du regard des autres, « mais sans forcer personne », trouver une solution gagnant/gagnant. « Quand on intervient, on commence par demander à chacun ce qui s’est passé, détaille Maxence. Souvent, au début, ils se coupent la parole ; on essaie de faire en sorte qu’ils s’écoutent et qu’ils trouvent une solution eux-mêmes. » 

Être à l’écoute 

Ils prennent « leur tour » deux par deux selon un planning établi à l’avance. Les autres élèves savent qu’ils peuvent aller trouver ceux qui portent le gilet des médiateurs pendant la récréation. « Quand on porte la chasuble, on se met en position d’écoute et même si on a le droit de jouer, si quelqu’un vient nous voir, il faut aller l’aider, sinon les enfants n’auront plus confiance », détaille Alice. « Parfois, les enfants viennent quelques jours après la dispute pour éviter que ça dégénère », ajoute Élisabeth. 
À Alexandre-Dumas, les élèves peuvent devenir médiateur dès le CE2. Quinze enfants sont formés chaque année, afin de garder une équipe nombreuse quand les CM2 quittent l’école. Ils partent d’ailleurs avec une attestation de médiateur et peuvent poursuivre ce rôle au collège et même au lycée. Un dispositif qui, de l’avis de tous, permet de favoriser un climat scolaire apaisé et d’encourager l’écoute, l’empathie et le respect des autres. 

“Un jour, il y aura moins de violence entre les élèves et ce sera grâce aux médiateurs !” 
Élisabeth, 10 ans

Ce qu'en pensent les adultes

Benoît Bedouet
Directeur de l'école Alexandre-Dumas

« Dans une école de 205 élèves, la médiation permet à chacun de trouver sa place et d’apprendre à coopérer. Elle instaure un climat d’école plus serein, fondé sur la compréhension et l’entraide. Pour l’équipe éducative, ce qui est important aussi, c’est de ne pas mettre un élève médiateur en difficulté ; c’est pour ça que nous sommes attentifs à la maturité des enfants qui demandent à devenir médiateur, à leur sensibilité, leur capacité d’expression. Ils peuvent d’ailleurs arrêter à tout moment. »

Isabelle Vignal
Responsable de la bibliothèque de l'école

« En tant qu’adultes, nous n’intervenons qu’en dernier recours, mais selon le même protocole que les enfants. En revanche, les enfants connaissent la limite : s’il y a des coups, si c’est grave, ce sont les adultes qui interviennent, ou même si le conflit les dépasse ou dégénère. Ils savent très bien où est la frontière, la formation les y a préparés. »

À l'origine du projet à Courbevoie

Questions à Françoise Raguin, formatrice et initiatrice du projet 

Depuis quand existe la médiation par les pairs ?
Le concept s’est déployé en France au début des années 1990 avec une formation créée par Brigitte Liatard et Babeth Diaz, qui ont fondé l’association Médiacteurs, agréée par l’Éducation nationale.

Quelle est l’idée générale de ce dispositif ?
C’est l’opportunité donnée à des jeunes de se former à régler leurs problèmes entre eux et de s’engager dans leur établissement pour améliorer le climat scolaire. Car, au fond, ce qui pose problème, ce n’est pas le conflit lui-même, c’est de ne pas savoir le gérer. Les enfants doivent apprendre à bien se disputer.

Qui peut être formé ?
Ce dispositif s’adresse aux enfants dès le CE2, et ensuite au collège et même au lycée. Mais les compétences psychosociales peuvent s’apprendre dès la maternelle.

Depuis quand cela est mis en place à Courbevoie ?
Depuis 2001, au sein de l’école André-Malraux d’abord puis dans d’autres écoles, comme à Alexandre-Dumas.

Qu’est-ce que la médiation apporte à ceux qui y sont sensibilisés ?
Tous ceux qui sont formés changent de posture, les enfants comme les adultes : dans la façon de communiquer, en étant plus ouverts à la discussion, plus à l’écoute. Un enfant m’a dit un jour : « Je ne me bats plus qu’une fois sur deux », c’est déjà un changement !

Plus d’infos sur mediacteurs.com

Harcèlement, parlons-en !

La médiation par les pairs s’intègre pleinement dans le dispositif pHARe de l’Éducation nationale qui vise à lutter contre le harcèlement à l’école. Les médiateurs sont en effet parfois les premiers à déceler des situations de tensions avant qu’elles ne dégénèrent en harcèlement. Leur présence est aussi un repère positif pour un enfant qui souhaiterait être entendu et aidé.

À noter pour les plus grands, dans le cadre de la Journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’école, jeudi 6 novembre, l’Écollectif organise une journée spéciale à destination des collégiens et les lycéens.

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